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Quat et one feye
20 août 2007

Interview de Michel Colleu, le spécialiste

Michel Colleu, vielleux au sein des groupes Jolie Brise (1978) et Cabestan (1982), mais surtout devenu le spécialiste des chants de marins auprès des éditions du Chasse-Marée

Ce jeudi 16 août 2007, c’est à l’occasion de la tenue du Festival de Paimpol qu’il accordait une interview au quotidien régional : La Nouvelle République. Ce dialogue d’été, signé Alain Dutasta, a paru sous le titre :

« Michel Colleu :  Le chant de marin, c’est le plaisir de partager. »

D’entrée de jeu, le journaliste s’étonne d’abord de l’attrait que peut avoir ce genre musical, à l’heure de la techno ou du rap.

M. Colleu répond : Aujourd’hui, chez les disquaires, on trouve dans le rayon de la musique dite traditionnelle un sous classement, le chant de marin, qui ne dépend d’aucun classement géographique mais qui évoque prioritairement le plaisir de chanter. Un chant qui révèle un métier –celui de marin-, un lieu –les ports- ou le lien entre les deux au travers du thème du voyage. Phénomène particulier puisque, dit-il, il n’y a pas, par ailleurs, de chant d’artisan ou de paysan.

Ambiguité et richesse que celles du chant de marins que certains associent à la voile et au passage du cap Horn et que d’autres rattachent soit aux pirates à la jambe de bois ou aux bordées dans les ports, soit au travail de la mer, sur les sardinières notamment. Si on tient compte aussi des mariniers des fleuves ( comme la Loire ou la Dordogne), le concept va aujourd’hui de Christophe Colomb à la Marine Nationale…

Pourquoi alors un renouveau, si le genre a connu une période d’essoufflement, s’interroge Alain Dutasta

Selon Michel Colleu, les anciens qui faisaient partie du monde de la voile, disaient ne pas connaître de « chants de marins ». mais ceux-là reconnaissaient qu’ils travaillaient en chantant, pour hisser les voiles, pour haler le bateau, pour aider à la manœuvre… Ce qui a porté atteinte au genre musical, c’est la disparition de la société traditionnelle, dans l’entre-deux guerres et dans les années cinquante. Une période où la marine à voile s’est elle-même éteinte. Si la France fut parmi les plus grands armateurs de voiliers de commerce, on ne comptait plus dans les années trente que les terres-neuvas comme grands voiliers… et les années cinquante signaient quasi le caractère révolu du chant de marins. Si des chœurs d’hommes ont repris le flambeau, c’est suite à la parution en 1927, du recueil du Capitaine Armand Hayet : « Chansons de bord »…

Mais un livre ne déclenche pas, à lui seul, cet engouement…

Certes, il faut relever l’influence du folk américain et la personnalité d’un Hugues Auffray qui, chez nous, a repris des airs traditionnels américains en leur accolant des textes de paroliers français. Qui ne se souvient du fameux « Santiano » ?
En 1970, c’est aussi un groupe de Lorient, Djiboudjep, qui relance le concept sous forme de concerts chorale puis en animation de cafés. On joue alors pour le plaisir dans les tavernes des ports, une musique qu’on partage en mêlant du traditionnel et des chansons nouvelles.

C’est alors qu’un certain nombre de collectages sont entrepris, par Michel Colleu et quelques autres passionnés, en Bretagne, en Normandie, en Vendée, sur les bords de la Loire et de la Dordogne, et sur celles du Saint Laurent au Québec. Tout ce travail débouche sur une publication : « Anthologie des chansons de mer » publiée par le Chasse-Marée, et accompagnée d’une vingtaine de disques, des cahiers de chansons et des livres spécialisés. Tout un matériel qui nourrit le répertoire des nombreux groupes d’aujourd’hui.

Sans doute est-ce cela qui alimente aussi le Festival de Paimpol initié en 1989, demande alors le journaliste ?

Faire se rencontrer ceux qui vivent de la pêche était l’intention de départ. Parler des embarcations, c’est éveiller des passions. De là, des bateaux ont été restaurés, voire même reconstruits… et on a fait une liaison entre une fête qui réunit les bateaux et les musiciens et chanteurs des équipages. Cette rencontre entre les passionnés de marine et les passionnés de musique a été une « bombe » parce que cela a démultiplié l’engouement des uns et des autres. Colleu explique ainsi la recette de ce succès : « Une fête de bateaux sans musique, ça ne marche pas. Une fête de chants de marins sans bateaux ça ne marche pas non plus !  Quand on met les deux ensemble, il se passe quelque chose de très fort.»

On peut se demander à quand remonte le chant de marins et quelle est sa raison d’être.

Le spécialiste a son avis : Il existe des témoignages de chansons dans la Grèce antique et à l’époque romaine, reprises en chœur pour accompagner les manœuvres. La raison ? Un aussi vieux principe que le tir à la corde où une équipe ne pourrait pas parler quand l’autre serait autorisée à crier. Imaginez pour laquelle des deux, la coordination des mouvements emportera la victoire. La marine a fait de cette nécessité technique… un art ! Et puis, ensuite, on s’est mis à chanter pour le plaisir : des complaintes qui évoquent le quotidien de l’existence, l’amour, la nostalgie, tout ce qui fait le contenu du répertoire traditionnel. Une vraie culture orale qui se compte par milliers de chansons. Une vraie mémoire populaire, faite de plaisirs et d’émotions partagées.

D’après l’interview de Michel Colleu.

L’article original est téléchargeable en version payante sur le site de la Nouvelle République à l’adresse : http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/journal/index.php?dep=IG&num=428456

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